Petite histoire de la presse satirique contemporaine (2)

En septembre 2016, le journal satirique belge Même Pas Peur, me propose, par l’intermédiaire de Serge Delescaille, de tenir une chronique sur la presse satirique sous le titre « nos amis les bêtes et méchants ». Voici l’épisode 2 paru dans le n°12 d’octobre 2016.

Jacques Sternberg : précurseur et éternel soutien de la presse satirique

Il n’est pas question ici de refaire le parcours littéraire de l’écrivain, ni de faire un inventaire de ses participations à de très nombreuses revues (Bizarre, Fiction, Plexus, Le Magazine Littéraire,…) mais de montrer que Jacques Sternberg a été, tout au long de sa vie, un fidèle soutien à la presse satirique.

Né à Anvers en 1923, Jacques Sternberg se retrouve à Paris à la Libération. Et c’est donc en France, en 1955, qu’il élabore ce qui peut être le premier fanzine satirique, Le petit Silence illustré (la majuscule est à respecter).

Le format même de ce fanzine est original : un A4 plié en deux dans le sens de la hauteur. La couverture est un photo-montage de Philippe Curval qui fait partie des trois seuls participants avec Sternberg et Valérie Schmidt. Le fanzine n’est constitué que de textes tapés à la machine à écrire ; il n’y a pas de dessin.

Editorial dans le numéro 1 de février 1955 : « D’innombrables revues littéraires paraissent tous les mois. Toutes ont un message ou un testament lyrique à transmettre au lecteur. Toutes ont un but mental, une ligne de conduite, un point de mire. […] Voici la première revue qui n’ait strictement RIEN A DIRE. A part le fait qu’elle coûte 100 frs, elle est absolument gratuite. Son seul but est de ne pas avoir de but. Et pourtant, de toutes les revues, elle peut se dire la plus élevée. En effet, en hauteur, elle atteint 27 cm. Le comité de rédaction. »

5 ans avant le lancement d’Hara-kiri par Cavanna et Choron, on trouve dans ce fanzine un avant-goût d’absurde qui, en poussant la logique de plus en plus loin, préfigurera l’humour « Bête et méchant ».

Sternberg éditera 8 numéros entre février 1955 et noël 1958 auxquels il faut ajouter la réédition augmentée des 6 premiers en 1957. Un numéro intitulé « Les Cahiers du Silence » est produit en septembre 1957 et, pour être complet, il semble que Philippe Curval ait édité un numéro 10 en 2013.

Ce n’est pourtant pas la première fois que Sternberg apparait dans l’ours d’une revue. Dès le printemps 1953, il fait partie avec Michel Laclos du premier Bizarre édité par Eric Losfeld, repris en 1955 par Jean-Jacques Pauvert. Cette revue laissera toujours une grande place au dessin de presse jusqu’à lui consacrer des numéros entiers comme en 1964 où Sternberg conclut son avant-propos par « Vive le dessin d’humour ».

Il est assez naturel de retrouver notre écrivain parmi les premiers contributeurs extérieurs, mais fidèles à Hara-kiri. Cavanna retient un de ses textes dès le numéro 16 en avril 1962. Cavanna raconte : « Il y a des habitués, des fidèles. Jacques Sternberg, entre autres. Il demande une rubrique. Je lui donne une rubrique. Il en fait une, il en fait deux, et après il me refile des rossignols qu’il avait publiés, voilà longtemps, dans Le petit silence illustré, fanzine écrit, imprimé et édité par lui et dont, manque de pot pour lui, j’avais acheté la collection, un jour de folie, au « Minotaure ». Sternberg est comme ça, à prendre ou à laisser, on ne peut pas lui en vouloir. Lui, en tout cas, ne se trouble pas pour si peu. »

En janvier 1964, Sternberg créée dans Hara-kiri n°35 une rubrique intitulée « Je l’ai pas lu, je l’ai pas vu, mais j’en ai entendu parler ». Cavanna reprendra ce titre (à peine modifié) comme titre pour son éditorial dans l’Hebdo.

On le retrouvera, fidèle, au côté de toute l’équipe, début 82, dans la fameuse émission de Michel Polac « Droit de réponse » consacrée à la fin de Charlie-hebdo déplorant violemment que les dessins d’un artiste comme Gébé ne trouve pas de place dans la presse traditionnelle.

Durant toutes ces années Sternberg restera un ardent promoteur du dessin d’humour soit dans de longs articles, soit dans des livres comme « Les chefs d’œuvre du dessin d’humour » (1967) ou « Un siècle de dessins contestataires » (1974). Fin 73, il créera de nouveau sa propre revue, Mépris.

Mais de cela, on reparlera.

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